Le développement rapide de l’écosystème crypto ces dernières années a poussé les acteurs de nombreux secteurs à s’intéresser au potentiel de cette technologie. Parmi eux, on retrouve notamment les entreprises de la filière immobilière.
Dans le monde traditionnel, immobilier et finance sont intimement liés, aussi il n’est pas étonnant que l’immobilier s’intéresse au potentiel de la technologie blockchain et aux nouvelles opportunités qu’elle offre.
Les NFT et la tokenisation d’actifs immobiliers semblent se développer et permettent à tous types d’investisseurs de plonger dans le grand bain de l’immobilier. Dans cet article, nous évoquerons la tokenisation des biens immobiliers et son fonctionnement. Nous reviendrons aussi sur les opportunités d’investissement immobilier dans le metaverse mais aussi sur le cadre juridique de ces nouvelles pratiques en France.
RealT : le projet pionnier liant immobilier et crypto
Souvent lorsque l’on souhaite placer son argent, l’investissement immobilier arrive en tête des solutions choisies. C’est un investissement jugé sûr, rentable et qui existe depuis des siècles. La bourse a parfois mauvaise presse, les cryptos sont encore souvent incomprises, aussi l’immobilier reste l’un des placements préférés des français. Toutefois, il est aussi celui qui demande le plus gros capital, que ce soit par le biais d’un apport conséquent ou via un dossier de financement complexe. C’est un frein important pour nombre de petits portefeuilles qui ne peuvent accéder à ce marché lucratif.
De plus, c’est un investissement par nature illiquide puisque vous immobilisez un capital important pendant de nombreuses années. Si vous souhaitez récupérer votre argent, cela prendra au mieux quelques semaines, mais surement quelques mois la plupart du temps.
C’est aussi un domaine qui peut demander une certaine expertise notamment dans une perspective d’investissement locatif. Il vous faut connaitre le secteur, les bonnes pratiques et le cadre légal. C’est donc un investissement qui peut aussi s’avérer complexe et inaccessible à toute une catégorie d’investisseurs.
Qu’est que RealT ?
RealT est une plateforme qui vise à rendre l’immobilier accessible au plus grand nombre. L’idée est de pouvoir investir à partir de 50$ dans des parts d’appartements ou de maisons aux Etats-Unis. En investissant dans une ou plusieurs parts de ces propriétés, vous accédez à des rendements annuels intéressants, compris entre 9 et 11%.
Afin de pouvoir réaliser cette prouesse, l’entreprise utilise la technologie blockchain. En effet, RealT va acheter des biens physiques aux Etats-Unis. Derrière, elle va pouvoir fractionner ces biens, les tokeniser pour ensuite les proposer aux investisseurs. A l’image d’une société, la législation américaine permet dans certains états de fractionner une propriété en plusieurs parts.
A chaque vente d’un bien, une société à responsabilité limitée est créée (LCC). Cette LCC possède directement le bien et en tant qu’investisseur, vous achetez en réalité une part de cette société. Avec ce mécanisme, les avoirs des investisseurs restent protégés, et ce même en cas de faillite de l’entreprise par exemple.
RealT propose donc une solution accessible au plus grand nombre pour investir dans l’immobilier et générer des rendements intéressants. Une manière notamment de se diversifier à moindre coût.
Comment ça marche ?
Si vous désirez investir dans un bien immobilier, il vous suffit de vous rendre sur la place de marché de RealT. Vous trouverez les différents bien proposés ainsi que les informations s’y rattachant.
De nombreux biens sont disponibles régulièrement sur la marketplace garantissant un renouvellement constant de l’offre.
Sur chaque bien, vous retrouvez le rendement attendu qui est déjà net puisque les différentes charges sont déduites du calcul. Vous retrouverez aussi le prix du token, généralement aux alentours des 50$ et le montant du rendement annuel par token.
Vous pouvez également retrouver toute une série de photos de l’extérieur et de l’intérieur de la propriété. Un bon moyen pour se faire une idée sur le bien en question.
En dessous de celles-ci, vous aurez accès à des informations plus détaillés. Vous retrouverez par exemple le rendement annuel ou encore la date à laquelle le bien sera loué. Vous aurez aussi accès aux différentes informations comptables comme le montant des charges mensuelles, le montant des loyers récoltés etc. Sous un onglet Details, vous aurez les informations concernant le système de chauffage, le parking ou encore le type de construction.
Une dernière section dénommée « About the property » détaille l’environnement et sa situation géographique, une caractéristique fondamentale lorsque l’on souhaite investir dans l’immobilier, et ce d’autant plus à l’étranger.
Il est essentiel d’avoir accès à ces différentes données afin de pouvoir investir en connaissance de cause dans tel ou tel bien immobilier.
Le prix du bien peut bien évidemment évoluer puisqu’il est soumis aux évolutions du marché immobilier. Toutefois, celui-ci reste beaucoup moins volatil que le marché des crypto-monnaies.
Comment acheter une part d’un bien ?
Pour acheter une part d’une propriété immobilière, vous devrez d’abord vous inscrire sur la plateforme. Pour cela, il faudra réaliser une procédure de vérification d’identité, le fameux KYC (Know your customer). Une fois votre identité validée, vous aurez accès aux biens proposés sur la plateforme.
Une fois que vous avez choisi le bien dans lequel investir, vous aurez le choix entre plusieurs moyens de paiement. Vous pouvez payer via Ethereum, Gnosis Chain/xDAi ou encore via une carte bancaire. Une fois votre commande validée, RealT vous fera parvenir un acte à signer par mail. Cet acte vous authentifie comme propriétaire d’une fraction de la LCC qui possède le bien immobilier.
Une fois l’acte signé et après un délai de 24h de traitement administratif, vous recevrez les tokens correspondant à votre achat. Le versement de vos rendements s’effectue toutes les semaines, sur la blockchain de votre choix. Un récapitulatif de vos rendements vous est envoyé par mail tous les lundis garantissant un suivi optimal de vos placements.
L’avantage de ce type d’investissement est son caractère liquide. Aussi, vous pouvez décider de revendre des parts d’un bien à tout moment et ce rapidement, à l’inverse d’un investissement dans l’immobilier traditionnel. Pour cela, il vous suffit d’accéder au menu « Sell Tokens ». La plateforme peut racheter jusqu’à 2000 dollars d’actifs tous les 10 jours ouvrés. Des frais de traitement, de l’ordre de 3%, sont à prévoir.
RealT permet donc de profiter d’un investissement immobilier pour un ticket d’entrée modéré. De plus, ce placement demeure beaucoup plus liquide et semble en apparence moins risqué qu’un investissement dans le domaine hautement volatil des crypto-monnaies. D’autres alternatives devraient naitre dans les prochains sur le modèle de ce pionnier de l’immobilier tokenisé.
Immobilier et finance décentralisée : une alliance gagnante.
La finance décentralisée est définie par l’ensemble des protocoles hébergés sur la blockchain permettant de recourir à des instruments de financement classiques ou innovants de manière décentralisée. A l’inverse de la finance traditionnelle (CeFi), elle ne nécessite pas l’intervention d’un tiers ou d’un intermédiaire comme une banque. Le secteur de la DeFi a explosé ces dernières années et voit l’arrivée de plus en plus d’investisseurs. Les solutions de prêt et d’emprunt comme Aave, Curve ou encore MakerDAO rencontrent un franc succès.
L’immobilier et la finance sont des secteurs traditionnellement liés. Dans le monde du Web3 et de la blockchain, ces deux secteurs se retrouvent donc assez naturellement complémentaires.
Financer un achat immobilier grâce à de la crypto
Les exemples d’achat immobiliers via une transaction en crypto-monnaies demeurent marginaux pour l’heure, mais sont de plus en plus nombreux.
Récemment, dans la ville de Braga au Portugal, un appartement trois pièces a été acheté grâce à du Bitcoin. Cet appartement a été vendu pour la somme de 3 bitcoins le 5 mai. Il s’agit d’une première car la crypto-monnaie n’a pas été convertie en euros par la suite comme cela peut parfois se produire. Une telle nouveauté a été permise par une nouvelle règle adoptée par l’Ordre des Notaires Portugais. Nous assistons donc au premier transfert d’un actif numérique vers un actif physique sans passer par la case monnaie Fiat. Ce n’est pas une surprise dans ce pays assez favorable au développement des monnaies numériques, avec notamment une imposition limitée sur ces dernières.
Afin de prévenir toute activité illégale, les fonds de l’acheteur ont été examinés pour se conformer notamment aux lois anti blanchiment d’argent. A l’heure de la transaction, la vente s’élevait environ à 110000 euros. L’avenir nous dira si cette opération était intéressante notamment pour la vendeur avec une remontée probable du Bitcoin vers un cours plus élevé.
D’autres pays s’ouvrent à l’achat d’immobilier via les crypto-monnaies. On peut notamment citer Dubai, un autre pays crypto-enthousiaste, ou le promoteur immobilier DAMAC Properties permet d’acheter des biens en Bitcoin.
Un investisseur vénézuélien avait aussi pu acheter un bien grâce au stablecoin USDT. Une opération qui s’est déroulée en intégralité via l’exchange Binance et permet une transaction instantanée, bien loin des 8 à 10 jours nécessaires en temps normal dans ce pays. Selon les médias du pays, le secteur de l’immobilier se tournerait de plus en plus vers les crypto-monnaies comme moyen de paiement. Comme dans d’autres secteurs d’activités, les pays les plus fragiles économiquement semblent se tourner vers les crypto-monnaies pour lutter notamment contre l’inflation et une monnaie locale faible.
Se faire prêter de l’argent grâce à une garantie en crypto
Autre moyen d’utiliser les crypto-monnaies dans le secteur de l’immobilier : le financement d’un prêt. En effet, certains acteurs du secteur voient dans la collatéralisation via des cryptos une manière de financer un prêt et un achat immobilier.
Dans la DeFi, la finance décentralisée, ce mécanisme est déjà à l’œuvre. Si vous souhaitez emprunter de l’argent via une plateforme comme Aave ou encore MakerDAO, il vous faudra déposer des actifs en collatéral. Vous déposez une certaine somme de BTC qui vous donne accès à un prêt d’une somme moindre en USDT par exemple. On peut très bien imaginer reproduire ce mécanisme dans le cadre d’un achat immobilier.
NFT, metaverse et nouveaux types d’investissement immobilier
La blockchain et les innovations technologiques qu’elle permet repousse les limites de l’investissement immobilier. Avec l’apparition des metaverse et autres NFT, l’investissement immobilier se déplace désormais sur le terrain des réalités virtuelles.
Le metaverse comme nouveau terrain de jeu
Le Metaverse se définit comme une réalité virtuelle et immersive parfois conçu dans le prolongement de notre réalité concrète. Cette innovation est au cœur du concept de Web 3.0. En effet, Internet a connu plusieurs phases de développement. La première fut son lancement dans les années 90 avec la recherche d’informations au cœur de son usage. Puis à la fin des années 2000, le Web 2.0 est apparu avec la naissance des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou encore YouTube. Le Web 3.0 correspond à la dernière évolution d’Internet. Au centre de ce nouvel univers, on retrouve le concept de metaverse, l’utilisation de la blockchain, des NFT et l’adoption croissante des crypto-monnaies.
Au centre des premiers projets metaverse majeurs, on retrouve donc l’immobilier. Afin de construire dans cet environnement numérique innovant, le foncier occupe une part importante et permet d’investir comme on peut le faire dans le monde réel.
Les deux projets les plus connus se nomment The SandBox et Decentraland. Ces deux metaverses sont aujourd’hui parmi les plus grosses capitalisations du secteur des crypto-monnaies et suscitent l’attention de nombreux investisseurs et partenaires. Au cœur de leur fonctionnement, on retrouve l’achat et la vente de parcelles.
Dans Decentraland, ces parcelles s’appellent des LAND et prennent la forme de NFT que vous achetez en échange de la monnaie native du projet, le MANA. Sur ces parcelles, vous pouvez construire des propriétés ainsi qu’un ensemble d’activités qu’il vous sera possible de monétiser. En effet, lorsque les gens sont sur votre parcelle, ils peuvent payer pour prendre part à ces activités comme des mini jeux. Vous pouvez ensuite revendre votre parcelle pour générer une plus-value, à l’image d’un investissement traditionnel. Decentraland propose aussi sa marketplace sur laquelle s’échangent de nombreux LAND pour plusieurs centaines ou milliers de dollars.
The SandBox fonctionne sur un principe similaire. Vous pouvez acquérir différentes parcelles nommées LAND contre la crypto-monnaie native, le SAND. Sur ces parcelles, vous pouvez disposer différents assets et créer de nombreux mini jeux grâce à un éditeur 3D. Le nombre de parcelles est limité à 166 464 parcelles. C’est une manière de maintenir une certaine pression acheteuse sur ces parcelles.
Sur The Sandbox, outre la possibilité de monétiser sa parcelle, vous pouvez aussi la louer comme on le ferait avec un bien immobilier dans la vraie vie. Vous profitez ainsi d’un revenu passif même dans le metaverse. Si vous disposez de moyen plus conséquent, vous pouvez aussi acheter plusieurs parcelles adjacentes pour créer un Estate. Cela vous permet de gagner en visibilité et de valoriser encore plus vos parcelles.
Un investissement fortement spéculatif
A l’image de nombreux investissements, un achat immobilier dans le metaverse comporte un objectif spéculatif. On souhaite gagner plus d’argent en vendant que ce que l’on a payé en l’achetant.
Toutefois à l’inverse d’un achat sur le marché traditionnel, cette dimension spéculative se retrouve fortement accentué dans le metaverse. Certes le marché traditionnel connait des variations, mais celles-ci n’ont rien à voir avec les fortes fluctuations du secteur crypto. Si l’on souhaite acheter une parcelle de terrain dans un projet tel que Decentraland ou The Sandbox, il faut garder cela à l’esprit.
Prenons l’exemple de la crypto-monnaie MANA liée au projet Decentraland, celle-ci a connu une hausse de plus de 660% entre octobre 2021 et fin novembre 2021. Par la suite , elle a connu une baisse de 78% de décembre à mai 2022. Ce sont donc des variations extrêmement fortes qui peuvent mettre en difficulté les investisseurs ayant acheté notamment aux prix les plus hauts.
En outre, lorsque le marché des crypto-monnaies rentre dans une phase de bear market, une tendance baissière à long terme, comme entre 2018 et 2020, de nombreux projets connaissent de lourdes pertes et d’autres ne se relèvent tout simplement pas. Si le marché est plus mature qu’en 2018, il est encore relativement jeune et seuls les projets les plus solides pourront se développer dans ce secteur innovant.
La réglementation des crypto-monnaies dans l’immobilier
Lorsqu’on évoque l’imbrication des crypto-monnaies dans le domaine de l’immobilier, le sujet de la réglementation revient inévitablement sur le tapis. C’est un sujet complexe car différentes réglementations s’entrechoquent en ce qui concerne le droit français.
Le cadre juridique en France
La tokenisation d’un bien immobilier revient à représenter la propriété d’un bien sur la blockchain. On peut représenter la totalité de la propriété ou fractionner cette dernière en plusieurs parts.
A l’heure actuelle, la France ne reconnait pas l’enregistrement de la propriété d’un actif immobilier sur une blockchain, d’un point de vue juridique. Le droit français reconnait cependant le droit de propriété sur les actifs enregistrés sur une blockchain pour les minibons, c’est-à-dire les bons de caisse permettant aux PME de se financer en recourant à l’épargne publique via des plateformes de crowdfunding. Il reconnait aussi cela pour les titres financiers émis par des sociétés par actions sous certaines conditions particulières.
Si l’on souhaite tout de même tokeniser un bien immobilier en France, il faudrait donc faire entrer l’actif immobilier dans le patrimoine d’une société par actions. Ensuite on peut imaginer représenter les actions de cette société via la blockchain. Ici, la tokenisation de l’immobilier serait représentée par la tokenisation d’une société par actions, elle-même propriétaire d’un bien immobilier. Il faudrait alors respecter les dispositions du Code du commerce ainsi que le régime propre aux titres financiers. C’est donc une structure tout de même assez complexe pour l’heure.
Le paiement en cryptoactifs en France
Le paiement d’un bien ou d’une partie d’un bien tokenisé via des crypto-monnaies soulève lui d’autres questions et se heurte à plusieurs contraintes juridiques.
Tout d’abord, il faudrait recourir à un intermédiaire pour assurer le transfert des crypto de l’acheteur au vendeur (notamment s’assurer de la propriété des portefeuilles).
Il faudrait aussi s’accorder sur la valeur des crypto-monnaies à un moment précis pour ne pas subir de fluctuation de prix. De plus, il faudrait aussi prévoir de régler un pourcentage du paiement en monnaie fiat pour la prestation du notaire. Enfin, il faut aussi penser aux éventuelles plus-values réalisées sur les cryptoactifs lors du paiement pour l’achat du bien.
D’autres questions sont aussi soulevées comme celle de la provenance des fonds, même si par nature, la blockchain est transparente et que l’on peut facilement retrouver toutes les transactions.
Maitre Antoine Collard, un notaire spécialisé dans ces questions déclarait : « « Il ne faut pas exclure que ce type d’interrogation devienne récurrent dans un futur proche, à mesure que les crypto-actifs sont adoptés par le grand public et que de nouveaux crypto-actifs stables se développent (USDc, USDt, Dai, etc.), voire même que soit mis en place un véritable euro numérique au moyen d’une blockchain ».
Pour l’heure, de nombreux freins empêchent encore le développement de ce type d’achat, mais nul doute que les prochaines années verront la mise en place d’un cadre réglementaire plus clair pour encadrer ce type de transactions immobilières.
Conclusion
Le secteur immobilier semble naturellement complémentaire avec l’écosystème blockchain. Les cas d’usage et les applications de cette technologie se multiplient et nous n’en sommes certainement qu’au tout début de cette aventure commune. Les crypto-monnaies peuvent devenir un nouveau moyen pour investir dans l’immobilier traditionnel et la finance décentralisée permettra surement de recourir à de nouveaux moyens de financement en dehors des banques et acteurs traditionnels.
L’arrivée des NFT et du metaverse permet aussi d’explorer un nouveau terrain de jeu pour les investisseurs. Là encore, nous n’en sommes qu’au commencement et il faut avoir conscience des risques élevés concernant un tel investissement. Toutefois, ce sont des nouvelles opportunités intéressantes que certains ne manqueront pas de saisir. Des jeux en play to earn comme Neoland souhaite lier gaming, metaverse et immobilier. Une manière de générer des revenus tout en s’amusant et en investissant. L’avenir semble en tout cas prometteur pour l’immobilier au sein de l’écosystème blockchain.