L’Ordonnance « Blockchain » du 9 décembre 2017

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"Code is Law" - source: Shutterstock
"Code is Law" - source: Shutterstock

La France a décidé de devenir un des leaders dans l’industrie naissante de la blockchain et elle s’en donne les moyens. Nous sommes en effet le premier état au monde à donner une définition légale de la blockchain et à en reconnaitre les vertus.

Dès 2016, le législateur français s’est penché sur cette technologie et a décidé de l’appliquer à deux domaines du droit des titres financiers qui devaient être modernisés : Les bons de caisse et les titres non côtés.

Reprenons la chronologie de la réglementation française à ce jour:

  • Ordonnance du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse
  • L’article 120 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin II »
  • Mars – mai 2017 : 1e consultation publique
  • 19 septembre – 6 octobre 2017 : 2e consultation publique, sur la base d’un projet de texte
  • Avant le 9 décembre 2017 : publication de l’ordonnance
  • Avant le 9 mai 2018 : dépôt du projet de loi de ratification devant le Parlement
  • Décret d’application prévu, au plus tard, le 1er juillet 2018

Nous pouvons maintenant décrire chacune de ces étapes pour mieux en saisir l’ampleur.

1- L’ordonnance du 28 avril 2016 relative aux « bons de caisse »

Cette ordonnance institue un nouveau titre hybride, le «minibon» et permet de les rendre transférable au moyen d’une inscription dans ce que le législateur a défini comme un «dispositif d’enregistrement électronique partagé », une autre définition de la blockchain.  Ces titres sont appelés Minibons parce qu’ils ont vocation à être émis par des Petites et Moyennes Entreprises dans le cadre de financement participatif. L’idée du législateur est de fournir aux PME un nouveau moyen de financement réalisé par l’émission de titres directement sur un blockchain.

2- L’article 120 de la loi n°2016-1691 de la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin II »

La loi Sapin II poursuit cette dynamique en habilitant le gouvernement français à prendre toute les mesures législatives utiles pour adapter le droit applicable aux titres financiers et aux valeurs mobilières. Il s’agit donc d’une carte blanche donnée par le législateur au gouvernement pour moderniser les régimes juridiques de certaines catégories de titres.

L’objectif est de promouvoir la mise en place d’un écosystème favorable à la technologie blockchain dans le prolongement de la réforme opérée pour les minibons et de positionner la France un pays en phase avec cette révolution technologique.

C’est dans le cadre de cette loi que le gouvernement a pris l’ordonnance du 09 Décembres 2017.

Reglementation francaise
Reglementation francaise

3 – Les consultations publiques :

Avant de publier sa seconde ordonnance relative à la blockchain, le gouvernement a organisé deux consultations publiques en vue d’obtenir le plus de retour des acteurs de la place.

De nombreux points ont été évoqués dans les réponses obtenues par le gouvernement, nous ne reprendrons uniquement les plus importants:

  • Une majorité des participants s’est prononcé en faveur d’une prise de position du législateur en vue de limiter toute insécurité juridique.
  • Il était également demandé d’étendre le champ d’application de l’ordonnance au plus grand nombre de titres et permettre le transfert de propriété des titres dans la blockchain.
  • Les acteurs se sont toutefois montrés plus frileux quant à la gestion des espèces dans la blockchain. Cette option est jugée utile mais pas prioritaire.
  • Les avis étaient plus partagés quant au type de blockchain, publique ou privée, devant être utilisé. Chacun défendant le type de blockchain qui correspondait le mieux à son projet.

 

4- L’ordonnance blockchain du 09 décembre 2017

Dans le cadre du mandat que lui a alloué le législateur dans la loi « Sapin II », cette ordonnance propose de modifier le Code monétaire et financier et le Code de commerce pour permettre la transmission et la représentation de titres financiers au moyen de « dispositifs d’enregistrement électroniques partagés ».

Plusieurs conditions sont toutefois posées, à commencer par le fait que les titres ne doivent pas être admis aux opérations d’un dépositaire central, ni livré dans un système de règlement et de livraison d’instrument financiers. Cette exclusion s’explique simplement par le fait que le rôle de la blockchain couvre les missions du dépositaire central et du gestionnaire du système de règlement-livraison (Euroclear France pour la France): l’enregistrement, la conservation et l’échange des titres financiers.

Ensuite les inscriptions sont limitées à certains types d’instruments financiers:

  • les titres de créance négociables (les certificats de dépôt,  les billets de trésorerie, les bons à moyen terme négociables)
  • les parts ou actions d’organismes de placement collectif (OPCVM)
  • les titres de capital (émis par des sociétés par action)
  • les titres de créance
blockchain

5 – Les apports et limites de cette ordonnance:

Cette ordonnance opère une simple adaptation du droit positif en assimilant l’inscription en compte titre à celle sur le registre blockchain. En d’autres termes, le gouvernement n’a pas opté pour la création d’un régime autonome pour la blockchain.

De plus l’ordonnance confirme que la blockchain sera utilisé pour les fonctions suivantes:

    • la cession et circulation des titres financiers.
    • la preuve de la propriété des titres.
    • le transfert de propriété.
 Un autre point à noter est que l’ordonnance va indirectement donner naissance à une nouvelle catégorie d’acteurs: les gestionnaires de blockchain. Les émetteurs de titres non-côtés devront mandater une entité chargée d’assurer le bon fonctionnement de la blockchain et la conservation des titres.

6 – Qu’attendre du décret d’application prévu, au plus tard, le 1er juillet 2018?

L’ordonnance « Blockchain » a posé les bases de l’utilisation des blockchain pour la conservation et la circulation des titres non-côtés, beaucoup de questions n’ont toutefois pas encore été clarifiée. Ces réponses sont attendue de la part du Conseil d’Etat qui doit se pronnoncer au plus tard le 1er Juillet 2018.

Le décret devra notamment définir le cadre d’application de l’ordonnance en précisant le type de blockchain (publique ou privée) susceptible d’être utilisée. Le Conseil d’Etat devra également se prononcer sur les modalités d’inscription des titres dans la blockchain. Quelle forme devra prendre la demande d’ajout de la part de l’émetteur?

Le statut du gestionnaire de blockchain et le point de savoir si il devra obtenir une certification des autorités de marché? Mais également le régime de responsabilité qui lui est applicable. De ce point de vue, il est probable que nous nous dirigions vers une responsabilité légale des Emetteurs et contractuelle des gestionnaires (à confirmer)

Enfin, la question des conflits de lois devra être tranchée pour déterminer les conditions d’application du droit français aux titres conservés sur des blockchain. Cette question pourrait se révéler très complexe si le Conseil d’Etat décide d’étendre l’application de l’Ordonnance aux blockchains publique, ce qui n’est pas à exclure.

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